La Tapisserie D’Aubusson : La Fabrique des Icônes
La Tapisserie d’Aubusson : la Fabrique des Icônes
La Galerie Hadjer a le plaisir de présenter sa première exposition thématique « La Tapisserie d’Aubusson : la Fabrique des Icônes » qui se tiendra du 21 octobre au 29 novembre 2025, à l’occasion d’Art Basel Paris. Spécialisée dans les tapisseries de grands maîtres du XXe siècle, la galerie organise une célébration du savoir-faire séculaire des ateliers français d’Aubusson, là où le fil du temps restitue à l’image toute sa force symbolique et sacrée.
Cette exposition entend interroger la notion de valeur de l’image dans un siècle dominé par l’émergence de l’image de masse et de sa reproductibilité technique. Chaque tapisserie, issue d’un geste patient, incarné, et porteur d’une tradition millénaire, confère à l’oeuvre une densité, une matérialité et une présence dans le temps long, donnant naissance à des icônes durables.
La préciosité dans la multiplicité
Le XXe siècle fait entrer la répétition de l’image dans le vocabulaire artistique en tant que geste radical. Avec ses soupes Campbell sérigraphiées à l’infini, Andy Warhol signe l’un des actes fondateurs de l’art moderne. L’image du quotidien est détournée et démultipliée, questionnant ainsi les moyens de sa puissance. Par une entreprise de mécanisation des oeuvres d’art, Warhol cherche à arracher l’image à son unicité, qui, devenue jetable, est comme vidée de son aura. Il affirmera « I think everybody should be a machine. » (The Philosophy of Andy Warhol: From A to B and Back Again, 1975), cherchant à effacer le geste de la main humaine.
À rebours de cette logique consumériste, les ateliers d’Aubusson perpétuent un art où la reproduction sublime l’original. Ici, le fait de répéter l’image – au nombre limité de 6 exemplaires et 2 épreuves d’artistes – est un rituel qui renforce l’icône au lieu de l’éroder. Quand Warhol délègue à la machine, Aubusson confie à la main. Quand la répétition industrielle cherche une distance, le tissage crée une incarnation. D’une même oeuvre, les 8 exemplaires dispersés deviennent les fragments d’une mémoire partagée : celle de l’Oeuvre dans sa totalité, mais aussi celle de tous les lieux qu’elle a habités.
L’oeuvre Still Life de Roy Lichtenstein, que nous présentons, est assez révélatrice du pouvoir de la tapisserie, puisque qu’elle allie le vocabulaire du Pop Art et ce médium qui donne une présence persistante à l’image. Cette pièce emblématique invite à réfléchir sur la transformation du point Ben-Day en trame de fil, conférant une texture inattendue à l’icône de la consommation.

Roy Lichtenstein, Still Life, 1973
Le savoir-faire ancestral d’Aubusson
Pour cette exposition, nous avons sélectionné 8 tapisseries iconiques, toutes réalisées au XXe siècle, période où les ateliers d’Aubusson, parmi lesquels les ateliers Raymond Picaud, Tabard, Pinton… renouent avec les avant-gardes artistiques. Chacune des pièces illustre à sa manière l’excellence des ateliers français ; des motifs figuratifs de Fernand Léger aux compositions vibrantes d’Alexander Calder, en passant par les architectures textiles de M Corbusier et les abstractions chromatiques de Sonia Delaunay, elles incarnent un amour profond du geste, du fil, de la matière, révélant la beauté d’un savoir-faire ancestral.
Inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO depuis 2009, le savoir-faire de la tapisserie d’Aubusson est le fruit de plusieurs siècles de perfectionnement et de transmission. Né au cœur de la Creuse, dans le Limousin, cette tradition d’excellence s’est développée dans un territoire rural du centre de la France, où la lenteur du geste et la maîtrise des matériaux se conjuguent depuis le XVe siècle.
Certaines de nos pièces ont été réalisées par la prestigieuse manufacture Pinton Frères, maison fondée en 1867 à Felletin, à quelques kilomètres d’Aubusson. Cette manufacture familiale incarne encore aujourd’hui la vitalité et la continuité des gestes.
La beauté du geste
Par sa nature, la tapisserie oeuvre dans le silence à redonner au temps son caractère sacré :
Souvent méconnu du grand public, le processus de création d’une tapisserie est d’une richesse et d’une complexité remarquables. Amorcée par la création d’un carton — une œuvre préparatoire conçue par l’artiste —, la tapisserie prend ensuite vie, fil par fil, grâce à l’interprétation d’artisans lissiers hautement qualifiés. Ce lent travail, réalisé sur métier à tisser, peut prendre plusieurs mois, voire des années. Chaque tapisserie devient ainsi un objet unique, fruit d’une collaboration intime entre une vision artistique et la main patiente de l’artisan.
Depuis toujours, la confection des étoffes a des caractères sacrés. Dans les religions et mythologies, les déesses fileuses fabriquent pour chacun l’étoffe de son existence. En réactivant ce dialogue entre l’art textile et le sacré, la Galerie Hadjer souhaite offrir un espace de résonance pour redécouvrir la puissance tranquille des images tissées.
Enfin, cette empreinte du sacré se retrouve dans la « tombée de métier », qui désigne le moment où une tapisserie, une fois le tissage terminé, est détachée du métier à tisser. Ce geste revêt en réalité une signification profonde, quasi rituelle. Pendant tout le processus de création, le lissier travaille partiellement à l’aveugle, guidé par le carton, une vision intérieure et une mémoire du geste. La tombée de métier devient alors un moment de révélation et de naissance de l’oeuvre.
Cette exposition invite les visiteurs à découvrir la puissance silencieuse des images tissées à travers des œuvres rares de Sonia Delaunay, de Le Corbusier, de Calder et d’autres grands maîtres, là où la matière rencontre le sacré de l’icône.

Le Corbusier, Nature Morte, 1965
21 octobre – 29 novembre
102 Rue du Faubourg Saint-Honoré


